24 mai 2017 | Droit de l'e-réputation

La loi pour une République numérique s'intéresse au "revenge porn"

Qu’est-ce que le « Revenge porn » ? On nomme sous cette élégante expression franglaise l’action qui consiste à se venger d’une personne en rendant publique des contenus pornographiques, réalisés avec ou sans accord de l’intéressé(e) mais qui n’a jamais donné son accord pour leur publication, dans le but évident de l’humilier. Il s’agit fréquemment de « retombées collatérales » d’une séparation de couple qui se passe mal. Il n’est pas nécessaire d’être footballeur professionnel pour se trouver au cœur d’une tourmente médiatique très traumatisante pour la victime, comme en témoigne certain(e)s de nos client(e)s qui l’ont vécu.
La Cour de cassation s’était déjà prononcée sur cette question le 16 mars 2016 dans une affaire où elle avait alors écarté le délit pénal de publication d’image. Dans ce cas précis, la personne avait été consentante à la réalisation d’une vidéo d’ébats sexuels avec son conjoint, mais pas de sa mise en ligne après séparation.
Nous nous sommes montré quelque peu critique sur cette décision qui certes se bornait à appliquer l’interprétation stricte de la loi pénale (actualité du 18 mars sur notre site principal). Nous montrions alors quelles autres voies la Cour aurait pu suivre. Et nous avions annoncé le futur renforcement de l’arsenal pénal en cas de vengeance par publication de contenus à caractère sexuel par la loi pour une République numérique alors en gestation.
L’article 67 de la loi du 7 mars 2016 pour une République numérique est ainsi venu renforcer le code pénal en créant, sous les articles 226-1 et 226-2 (délit d’atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée par transmission de propos tenus en privé ou par captation et diffusion d’image, puni d’un an de prison et de 45 000 € d’amende), un nouvel article 226-2-1 qui renforce les sanctions pénales dans les cas spécifiques de contenus à caractère sexuel.
Cet article dispose donc :

Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1

Deux volets à ces dispositions :

  • Tout d’abord, le caractère sexuel des contenus est une circonstance aggravante par volonté de la loi puisque le délit passe dans ce contexte d’un à deux ans de prison et de 45 000 à 60 000 €.
  • Ensuite, la loi évite l’écueil soulevé par la Cour de cassation dans le litige précité, d’un accord de la personne intéressée pour la prise de vue, mais pas pour sa diffusion : l’alinéa 2 du texte suppose le cas de la seule absence d’accord pour la diffusion, et qui fait que le délit aggravé est commis de ce seul fait.

Voir l’ensemble des articles 226-1 et suivants du code pénal, qui constitue la section 1 « De l’atteinte à la vie privée » du chapitre 6 « Des atteintes à la personnalité » du Titre 2 du Livre 2 de la partie législative de ce code.

Didier Frochot

Didier Frochot est titulaire d’une maîtrise de droit privé et d’un DESS de gestion. Présent dans le secteur de l’information-documentation depuis 1982, il est Consultant et Formateur depuis 1984, il collabore à la rubrique Droit du mensuel professionnel Archimag depuis 2003. Il fut par le passé Responsable pédagogique du cycle supérieur de l’INTD/CNAM pendant 10 ans (1989-1998).

Spécialités
E-réputation – Propriété intellectuelle, Droit des technologies de l’information, de la documentation et des médiathèques, Données personnelles et RGPD – Technologies de l’information (Internet/Intranet : recherche d’informations conception de sites) – Documentation – Traitement de l’information – Information, documentation et veille juridiques.

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