10 juin 2015 | Droit de l'e-réputation

Faux commentaires : les faussaires du web

Un article du Monde, en date du 31 mai sur le site du quotidien, intitulé « Faux commentaires : dans la nébuleuse des faussaires du Web« , sous la plume de Morgane Tual, examine longuement ce phénomène des « commentaires truqués qui pullulent sur la toile ».
Parmi les producteurs des faux commentaires ou avis, l’article évoque les agences d’e-réputation. Il est vrai que certaines agences offrent leurs services pour publier des commentaires supposés émaner de consommateurs contents (dans le but de promouvoir un peu artificiellement une marque ou une entreprise) ou mécontents (dans le but de couler la réputation d’un concurrent ou d’un ennemi).
Si l’article évoque la condamnation d’une entreprise devant la justice française pour ce genre de pratique, il met peu en lumière le cadre légal de telles pratiques. Nous nous arrêtons sur cet aspect, en quelque sorte en complément de cet intéressant article.
Des pratiques hors-la-loi à plusieurs égards
La première pratique consiste donc à chanter les louanges d’un commerçant ou d’un prestataire. Il importe de savoir que cette pratique est strictement encadrée dans des limites légales qui sont souvent franchies allègrement par des prestataires peu soucieux de respecter le droit ou par une ignorance coupable dès lors qu’ils se posent en professionnels.
Les « pratiques commerciales trompeuses »
Il faut en effet savoir que le code de la consommation qualifie de « pratiques commerciales trompeuses » le fait de « se présenter faussement comme un consommateur » (article L.121-1, 21° du code de la consommation). Et toute pratique commerciale trompeuse constitue un délit, pénalement sanctionné par un maximum de 2 ans de prison et/ou de 300 000 € d’amende (article L.121-6 du même code).
Il s’ensuit que lorsqu’un prestataire publie un commentaire laissant penser que son auteur est un consommateur — satisfait ou mécontent, d’ailleurs — il se met hors-la-loi et encourt les peines prévues au code de la consommation. La question sera de rapporter la preuve de qui est derrière le pseudonyme qui publie l’avis. Mais il est des moyens techniques qui permettent de le faire.
La concurrence déloyale
Le seconde pratique consiste à poster des avis de prétendus consommateurs mécontents des services d’un commerçant ou prestataire. Non seulement cette pratique tombe sous le coup des pratiques commerciales trompeuses, mais comme elle nuit à un commerçant ou un prestataire, elle peut constituer selon les cas un acte de concurrence déloyale, ou un dénigrement de produits ou de services.
Un acte de concurrence déloyale
Dès l’instant que l’auteur ou le commanditaire des avis négatifs est en situation de concurrence avec l’entreprise attaquée, ces avis sont considérés comme des actes de concurrence déloyale.
Comme dans tous les pays de liberté économique, la concurrence est libre en France. Ce qui l’est moins, c’est d’user de procédés déloyaux qui s’apparentent dans ce cas à de l’abus de droit (abuser de la liberté de concurrence). La jurisprudence a ainsi forgé depuis de longues années cette notion de concurrence déloyale, bâtie sur la base des articles 1382 et suivants du code civil (responsabilité dite civile : réparation du dommage causé à un tiers par l’auteur des faits l’ayant occasionné, donc octroi de dommages-intérêts visant à indemniser le préjudice subi par la victime).
Un acte de dénigrement de produits ou de services
Il se peut que l’auteur ou le commanditaire des faux avis ne soit pas en situation de concurrence avec l’entreprise à laquelle il veut nuire. Dans ce cas, la jurisprudence, sur les mêmes bases juridiques larges, a forgé le concept de dénigrement de produits et de services, qui donc peut déboucher sur le même type de condamnation à des dommages-intérêts substantiels.
Bonnes pratiques et déontologie professionnelles
Il est tout de même des prestataires qui ont une déontologie professionnelle et qui par conséquent se refusent catégoriquement à agir en dehors du cadre légal.
C’est bien sûr le cas des Infostratèges qui excluent systématiquement ce genre de pratique, malgré les demandes de certains clients peu scrupuleux… qui ne deviennent ou ne restent pas longtemps nos clients dans ce cas.
Consulter l’article paru dans Le Monde.

Didier Frochot

Didier Frochot est titulaire d’une maîtrise de droit privé et d’un DESS de gestion. Présent dans le secteur de l’information-documentation depuis 1982, il est Consultant et Formateur depuis 1984, il collabore à la rubrique Droit du mensuel professionnel Archimag depuis 2003. Il fut par le passé Responsable pédagogique du cycle supérieur de l’INTD/CNAM pendant 10 ans (1989-1998).

Spécialités
E-réputation – Propriété intellectuelle, Droit des technologies de l’information, de la documentation et des médiathèques, Données personnelles et RGPD – Technologies de l’information (Internet/Intranet : recherche d’informations conception de sites) – Documentation – Traitement de l’information – Information, documentation et veille juridiques.

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