2 mars 2016 | Droit de l'e-réputation

Une entreprise condamnée à 100 000 Euros de dommages-intérêts pour dénigrement

Récemment, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt très intéressant sur un cas de dénigrement public.
Une société avait ainsi envoyé aux distributeurs de son concurrent un courriel les informant que ce dernier venait d’être condamné pour concurrence déloyale, en omettant de mentionner que la personne avait fait appel de la décision. Un des partenaires commerciaux du concurrent a décidé de rompre sa collaboration avec l’entreprise sur la foi de cette information tronquée.
Ce préjudice a donc été estimé à 100 000 € et la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 27 janvier dernier, a confirmé ce montant au titre des dommages-intérêts dus, sur la base du dénigrement, qui est une des modalités de la concurrence déloyale, forgée par la jurisprudence à partir de l’article 1382 du code civil (responsabilité civile).
Nous sommes là dans un cas instructif en ce qu’il permet de bien distinguer le dénigrement de la diffamation.
La diffamation suppose que les faits allégués, qui « portent atteinte à l’honneur et à la considération de la personne » (article 29 de la loi du 29 juillet 1881), soient faux. La personne poursuivie pour diffamation ne sera pas condamnée si elle apporte la preuve de la vérité du fait diffamatoire (article 35 de la même loi).
Ici les faits ne sont pas faux, l’entreprise a bien été condamnée, du moins en première instance pour concurrence déloyale — condamnation du reste infirmée ultérieurement en appel — ; il n’y a donc pas diffamation, mais c’est la diffusion publique de cette information incomplète qui a été la cause du préjudice subi par l’entreprise.
L’intérêt de se placer sur le terrain du dénigrement est que le délit de diffamation est prescrit au bout de trois mois, y compris sur internet alors même que l’information est toujours en ligne, alors que le dénigrement étant basé sur l’article 1382 du code civil obéit aux règles de prescription du droit civil, soit cinq ans, depuis la réforme de 2008.
Par ailleurs, si la diffamation publique peut être fortement condamnée et peut médiatiquement nuire au diffamateur (publication possible de la condamnation dans des journaux), il faut se porter partie civile pour obtenir des dommages-intérêts réparant le préjudice subi, l’amende éventuellement prononcée, comme toute amende, allant dans les caisses de l’État. En matière de dénigrement, on est principalement sur le terrain de la responsabilité civile et l’action a son intérêt dès qu’il y a un préjudice chiffrable, ce qui était le cas ici.
Voir l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 janvier 2016  sur Legalis.net : www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4896

Didier Frochot

Didier Frochot est titulaire d’une maîtrise de droit privé et d’un DESS de gestion. Présent dans le secteur de l’information-documentation depuis 1982, il est Consultant et Formateur depuis 1984, il collabore à la rubrique Droit du mensuel professionnel Archimag depuis 2003. Il fut par le passé Responsable pédagogique du cycle supérieur de l’INTD/CNAM pendant 10 ans (1989-1998).

Spécialités
E-réputation – Propriété intellectuelle, Droit des technologies de l’information, de la documentation et des médiathèques, Données personnelles et RGPD – Technologies de l’information (Internet/Intranet : recherche d’informations conception de sites) – Documentation – Traitement de l’information – Information, documentation et veille juridiques.

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