19 mai 2015 | Droit de l'e-réputation

Arrêt de la CJUE sur le droit au déréférencement : un an déjà – 2

Bilan juridique d’une année de pratique

Après avoir considéré principalement les questions de terminologie dans le précédent billet, le plus important est tout de même de regarder quelles avancées ou résistances juridiques on a pu constater depuis la publication de l’arrêt de la CJUE du 13 mai 2014.
Très vite, Google s’est enfermé dans des logiques d’interprétations restrictives discutables de l’arrêt, que nous continuons, en tant que professionnels du nettoyage du net, de contester et d’affronter au quotidien.
Voici un premier exemple flagrant.

Le droit d’opposition de la personne prime sur le droit à l’information du public

Google s’était plaint d’avoir à faire des choix et de devoir s’ériger en juges de l’opportunité d’accepter ou de refuser les demandes de déréférencement. Ce n’est pas tout à fait faux.
Rappelons que l’arrêt de la Cour précise avant tout le caractère intangible du droit d’opposition et de suppression octroyé à tout individu, non seulement sur la base de la directive 95-46/CE sur la protection des données à caractère personnel, mais aussi  et surtout sur la base des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – en clair la Charte des droits de l’homme de l’Union – qui effectivement consacrent la protection de la vie privée et le principe du consentement pour que des données personnelles soient exploitées, notamment sur internet. Ces fondements juridiques sont assez lourds et selon la Cour « prévalent, en principe, non seulement sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche, mais également sur l’intérêt de ce public à accéder à ladite information lors d’une recherche portant sur le nom de cette personne« .
Ce n’est que dans un second temps que la Cour admet que « tel ne serait pas le cas s’il apparaissait, pour des raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l’information en question« .
La plupart des juristes en auront déduit que lorsqu’il s’agit de ce qu’il est convenu d’appeler des personnages publics en droit de l’image, il peut être fait échec à la protection des données personnelles et de la vie privée, au nom d’un droit du public à être informé.

Droit à l’information du public : des excès constatés

Google défend avec un zèle souvent excessif, nous semble-t-il, ce fameux droit à l’information du public pour refuser le déréférencement. Nous ne voyons pas en effet, en quoi le fait qu’une personne ait été confrontée voici 5 ou 10 ans à de violentes attaques diffamatoires, entre temps formellement condamnées en justice pour diffamation, est de nature à représenter un « intérêt prépondérant dudit public à avoir accès à l’information en question« .
C’est pourtant l’argument qu’on nous a opposé dans l’une de nos missions…
Nous poursuivrons le bilan juridique dans un prochain billet.

Didier Frochot

Didier Frochot est titulaire d’une maîtrise de droit privé et d’un DESS de gestion. Présent dans le secteur de l’information-documentation depuis 1982, il est Consultant et Formateur depuis 1984, il collabore à la rubrique Droit du mensuel professionnel Archimag depuis 2003. Il fut par le passé Responsable pédagogique du cycle supérieur de l’INTD/CNAM pendant 10 ans (1989-1998).

Spécialités
E-réputation – Propriété intellectuelle, Droit des technologies de l’information, de la documentation et des médiathèques, Données personnelles et RGPD – Technologies de l’information (Internet/Intranet : recherche d’informations conception de sites) – Documentation – Traitement de l’information – Information, documentation et veille juridiques.

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