31 mars 2021 | Droit de l'e-réputation

Fiches Google My Business face à la justice : Agir sur les terrains de la diffamation ou du dénigrement ?

Ces dernières années, nous avons rendu compte de plusieurs décisions judiciaires concernant les fiches Google My Business, permettant d’identifier un professionnel à partir de ses coordonnées géographiques et numériques.

Google My Business, un nid à avis de consommateurs nuisibles

Ces fiches posent couramment un problème d’e-réputation grave en ce sens que des « clients » ou se présentant comme tels, sont amenés – de plus en plus souvent – à publier des avis assassins sans aucune preuve ni fondements des préjudices qu’ils prétendent avoir subi, ou plus simplement à publier un jugement de valeur très subjectif assumé, assorti d’invectives et autres noms d’oiseau, dans le but évident de nuire à l’image du professionnel.
La grande difficulté vient du fait que Google se refuse à prendre en compte quelque contestation que ce soit, ou même à accepter de jouer le rôle d’un gestionnaire d’avis de consommateurs au sens de la loi française et de la Norme internationale publiée par l’ISO voici quelques années.

Fiche Google et donnée personnelle

Les contestations de l’existence même de la fiche Google ont été lancées pour la première fois par un dentiste qui avait recueilli des avis négatifs infondés. La fiche – qu’il n’avait pas sollicitée – étant au nom personnel de ce praticien, son avocat avait plaidé la protection des données à caractère personnel et le droit d’opposition, sur la base de la loi de 1978 en vigueur à l’époque (article 38, notamment). Le TGI de Paris avait rendu une ordonnance de référé le 6 avril 2018, enjoignant Google de retirer cette fiche en attendant de juger l’affaire au fond (notre actualité du 20 avril 2018).

Entre temps, une autre ordonnance de référé du même TGI de Paris, mais en la personne d’un autre juge s’était refusé, le 12 avril 2019, à demander la suppression de la fiche d’un autre dentiste, sur les mêmes bases de la protection des données personnelles (notre actualité du 23 avril 2019).

Le jugement au fond suite à l’ordonnance du 6 avril 2018

Le feuilleton rebondit donc ces jours-ci puisque le Tribunal judiciaire de Paris vient de se prononcer, non plus en urgence sur des mesures conservatoires comme dans son ordonnance du 6 avril, mais au fond de ce même litige, par un jugement du 9 mars 2021.

Donnée à caractère personnel : une protection relative…

Sans grande surprise, le Tribunal revient à une analyse moins extrémiste de la notion de donnée à caractère personnel que dans sa solution du 6 avril 2018, rejoignant ainsi l’analyse qui avait été conduite par le juge dans l’ordonnance du 12 avril 2019.

Le tribunal rappelle tout d’abord que si le droit à la protection des données à caractère personnel existe bien aux termes de l’actuel RGPD :

« Il n’est toutefois pas absolu, comme le précise le préambule du RGPD :
« il doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité ». »

Il relève encore que, dans le contexte d’un fiche professionnelle :

« … ces données ne relèvent pas de la sphère privée en ce que, d’une part, elles portent uniquement sur des aspects élémentaires de son activité professionnelle qui ne présentent pas de caractère spécifique de sensibilité ».

Il semble donc qu’on ne puisse plus fonder une demande de retrait d’une fiche professionnelle Google My Business sur la base du nom du professionnel.

… Mais d’autres fondements de poursuites contre Google ou les auteurs d’avis existent

Comme dans l’ordonnance de référé du 12 avril 2019, le Tribunal rappelle, avec plus de détails encore, que :

« Faire d’un professionnel comme Monsieur X. le sujet d’un forum sur lequel les internautes donnent leurs avis, relève d’une finalité d’information du consommateur qui est légitime, dès lors que ce dernier dispose de moyens de protection des droits de la personnalité contre d’éventuelles dérives tenant à des propos dépassant les limites admissibles de la liberté d’expression. Il dispose en effet de la possibilité d’engager une action en référé à l’encontre de GOOGLE aux fins de suppression d’avis, une action en référé ou au fond à l’encontre de l’internaute aux fins de suppression d’avis et d’obtention d’une indemnité sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 ou du dénigrement sur le fondement de l’article 1240 du code civil contre les internautes qui porteraient atteinte à son honneur ou à sa réputation ou qui publierait une critique excessive et fautive de ses services, ou de déposer une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation ou injure. »

Le contentieux de la diffamation ou du dénigrement sur Google My Business

Et de fait, une ordonnance de référé du Tribunal judiciaire de Marseille du 23 septembre 2020 a statué dans le sens de la reconnaissance du caractère diffamatoire d’un avis publié sur une fiche Google My Business, enjoignant les auteures de l’avis de le supprimer sous astreinte (notre actualité du 13 novembre 2020).

En guise de conclusion provisoire

C’est donc désormais sur ces terrains – diffamation ou dénigrement – que pourront se fonder des actions en justice pour obtenir le retrait d’avis négatifs sur Google My Business, et au besoin une indemnisation du préjudice d’image subi.

Voir le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 9 mars 2019 sur Legalis.net : https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-5eme-ch-1ere-sec-jugement-du-9-mars-2021/

Photo : Google

Didier Frochot

Didier Frochot est titulaire d’une maîtrise de droit privé et d’un DESS de gestion. Présent dans le secteur de l’information-documentation depuis 1982, il est Consultant et Formateur depuis 1984, il collabore à la rubrique Droit du mensuel professionnel Archimag depuis 2003. Il fut par le passé Responsable pédagogique du cycle supérieur de l’INTD/CNAM pendant 10 ans (1989-1998).

Spécialités
E-réputation – Propriété intellectuelle, Droit des technologies de l’information, de la documentation et des médiathèques, Données personnelles et RGPD – Technologies de l’information (Internet/Intranet : recherche d’informations conception de sites) – Documentation – Traitement de l’information – Information, documentation et veille juridiques.

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